mardi 14 juillet 2015

Jean Christophe Bailly : Le dépaysement. Voyages en France. Saint Etienne : Illustration (suite 6)

[(voir suite 5)"Cela donc, oui, ce "rêve d'une chose" sur les lieux mêmes d'une toute petite hypothèse de curé, mais qui aura vu dans une éclaircie, la joie du travail non aliéné, rencontrer des contenus des matières".]

à commencer par une terre à retourner, celle des abords de Saint Étienne très noire, comme si la vérité de la mine l'avait imprimée par en dessous, et cette terre retenue par paliers successifs, dans les zones pentues par des moyens de fortune :tôles ondulées, couvercles de métal, tambour de lessiveuse formant ds lignes parallèles un peu bombées, parfois au bord de la rupture, courbes de niveau dégageant des bandes larges de moins de deux mètres s'étageant jusqu'à l'ultime palier ou souvent s'appuie la cabane.[.]
Puis selon les saisons, les talents, les patiences, procession de choux montés en bordure, suites argentées de cardons enveloppés pour l'hiver,
salades tantôt rabougries tantôt épanouies s'alignant sous un massif de fleurs fanées, tomates ayant résisté ou non à l'humidité,- les vaincues formant de tristes grappes de retombées noircies -,parcelles tirant sur la perfection d'un manuel de jardinerie ou, au contraire tirant sur la friche avec une cabane qui donne de la gîte,

tonalités de vert pâle et de brun rouillé griffées parfois d'éclats rouge orangé venant des fleurs ou, lorsque c'est la saison, de différentes sortes de courges - les meilleures des parcelles selon moi étant celles qui s'équilibrent entre une culture effective et, productrice, et un art consommé de l'improvisation bâtisseuse, la cabane en effet étant le point d'ancrage : non seulement local où ranger les outils mais aussi, grâce à l'appoint d'une petite tonnelle de préférence un peu fatiguée,

d'une table et d'un banc (assez souvent je ne sais pourquoi, un morceau de miroir cassé installé près de la porte), lieu où accueillir le soir quelque ami avec qui boire un verre, ce modèle réduit de sociabilité,
qui ricoche de parcelle en parcelle et d'un groupement à un autre étant justement ce qui confère aux jardins ouvriers cette allure de zone franche, peut être pas rebelle mais tout au moins dédouanée, affranchie qui sur les franges de la ville, entonne un chant très léger, peut être en train de disparaître.

2 commentaires:

  1. le bout de miroir près des portes, peut-être est-ce en référence au Fen shui: le miroir éloigne les malveillants qui se voyant dans le miroir, en sont effrayés.
    les tambours de lessiveuses, détournements absolument géniaux : on met les carottes qui se conservent ainsi tout l'hiver, à moins qu'un inventeur y mette son compost et tourne régulièrement le tambours pour assurer un mélange régulier (un ami fait ainsi).

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