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mardi 20 novembre 2012

Chronique de Saint Bonnet

A Cécile* et à Juju *


Il y a moins d'une quinzaine de jours, je me trouvais, au 18 quai Claude Bernard, à Lyon, salle des Colloques, pour assister à la brillante soutenance, d'une thèse portant sur les récits hagiographiques (1) de Venance Fortunat (2), qui, comme chacun ne le sait certainement pas, vécut de 530 à 609.
Aussi hier, débarquant  avec un peu d'avance  au restaurant Chatelard, à Saint Bonnet le froid,

c'est tout naturellement que je décidais de procéder, l'esprit éveillé par le sujet de la récente thèse, à quelques rapides recherches scolastiques (3) "sur le motif" (comme on dirait d'un peintre).
Je ne tardais pas, au premier frisson, à renoncer à me demander si l'attribut de "le froid " pouvait bien s'appliquer à un trait de caractère de Saint Bonnet (4) : il s'appliquait bien plutôt, sans qu'aucun doute ne soit permis, au climat du lieu (n'avions nous pas, pensais-je en un éclair, dû renoncer à venir manger en ces lieux gastronomiques, au mois de décembre, il y a 2 ans.)
 

Le village n'étant pas très étendu, je ne fus pas vraiment surpris de tomber assez rapidement, derrière l'église et face à la mairie, sur la statue du Saint ; constatant qu'il présentait aux passants un évangile et que son pied droit piétinait une statue,(ou un petit personnage), je me promettais en le prenant en photo de me renseigner pendant le repas sur la vie édifiante de Saint Bonnet.
Le maître d'hôtel s'en excusa, mais il n'était pas du village et ne pouvait nous renseigner, même s'il pensait que la statue devait bien être plutôt celle de Saint François Régis (5), saint  très vénéré à quelques kilomètres de là, à La Louvesc. Ne voulant importuner la maîtresse des lieux au moment de prendre congé, nous décidâmes de nous adresser au syndicat d'initiative... fermé le samedi après midi !

L'affaire prenait une tournure amusante pour ne pas dire excitante : le village, s'appelant pourtant toujours St Bonnet, semblait avoir, au cours de l'histoire, "lâché" son propre saint pour un saint voisin, plus célèbre ?, plus intercesseur ?, plus moderne (de 1000 ans plus jeune que Bonnet !)? ; je rentrais alors, sur "l'intuition" de mon épouse, me renseigner chez un vendeur de vannerie ; me félicitant pour mon sens de l'observation, il me raconta que lui, n'étant pas natif de St Bonnet, il pouvait bien me raconter ce qui s'était passé  : Saint François Régis ayant parcouru ces froides contrées pour en confirmer l'évangélisation au début du XVIII ème siècle, il fut fort mal reçu par les habitants de St Bonnet, qui l'éconduirent comme ils le faisaient des vagabonds. Mais lorsqu'il fut canonisé, ils s'en voulurent terriblement et craignant peut être quelque représailles ou "négligences" divines, ils commandèrent, peut être à titre d'"indulgence"une statue de Saint François Régis, qui fut d'abord installée "près des tennis", à côté du restaurant Chatelard, puis rapproché du centre lors de l’agrandissement du restaurant.

Je ressortis satisfait de l'explication, et retournais voir la statue ; je détaillais à nouveau cet étrange aspect  qui m'avait déjà intrigué et pour lequel le vannier m'avait répondu : "plutôt un dragon, non ?" 
Et c'est alors que revoyant le personnage, plutôt sa statuette, me revint en mémoire, la dédicace que maman m'avait dite avoir faîte, à mon sujet, à ma naissance, à Saint François Xavier (6)  (puisque je m'appelais François), et dont je savais qu'il avait été évangélisateur, en Inde, au Japon et  ...en Chine !!!

Le fournisseur en statue des habitants de St Bonnet ne se serait-il donc pas trompé de Saint, réduisant ainsi à néant leur recherche d'indulgence puisqu'en vénérant la statue, ce ne serait pas Régis mais Xavier qu'ils honoreraient ?

Ce serait une bien étonnante prise de pied dans les tapis sacerdotaux de l'histoire !

* : merci à Monique de transmettre à Cécile, quant à Juju je suis parti  à la recherche du Saint intercesseur du Web et l'ai trouvé ! :  Il s’agit d’isidore de Seville (religieux espagnol du VII° siècle), Saint patron des informaticiens, des utilisateurs de l’informatique, de l’Internet et des Internautes."Il a été choisi saint patron des informaticiens à cause de la structure d’un [de ses] ouvrage[s] en 20 tomes nommé ‘les Etymologies’, qui rappelle celle de certaines bases de données nommées les tries, et préfigure les inventions futures du classement alphabétique, puis de la notion d’index ."

(1)hagiographie (du grec ancien ἅγιος hagios, « saint », et γράφω graphô, « écrire ») est l'écriture de la vie et/ou de l'œuvre des saints. Pour un texte particulier, on ne parle que rarement d'« une hagiographie » (sauf dans le sens figuré), mais plutôt d'un texte hagiographique ou tout simplement d'une vie de saint. Le texte hagiographique étant destiné à être lu, soit lors de l'office des moines soit en public dans le cadre de la prédication, on lui donne souvent le nom de légende (du latin legenda, « ce qui doit être lu »).
Un texte hagiographique recouvre plusieurs genres littéraires ou artistiques parmi lesquels on compte en premier lieu la vita, c'est-à-dire le récit biographique de la vie du saint. Une fresque à épisode est également une hagiographie, de même qu'une simple notice résumant la vie du bienheureux.
Par rapport à une biographie, l'hagiographie est un genre littéraire qui veut mettre en avant le caractère de sainteté du personnage dont on raconte la vie. L'écrivain, l'hagiographe n'a pas d'abord une démarche d'historien, surtout lorsque le genre hagiographique s'est déployé. Aussi les hagiographies anciennes sont parsemées de passages merveilleux à l'historicité douteuse. De plus, des typologies de saints existaient au Moyen Âge, ce qui a conduit les hagiographes à se conformer à ces modèles et à faire de nombreux emprunts à des récits antérieurs.
D'une manière plus polémique, on parle aussi d'hagiographie pour désigner un écrit (une biographie, l'analyse d'un système philosophique, etc.) trop favorable à son objet, c'est-à-dire manquant de recul et/ou ne laissant guère de place à la critique.
(2) Venance Fortunat : consacre sa jeunesse à l’étude de la grammaire, de la poésie, du droit et de l’éloquence à Ravenne. Vers l’âge de trente cinq ans, en 565 guéri d’une ophtalmie, il forme le projet d'aller à Tours visiter le tombeau de saint Martin, auquel il attribue sa guérison. Il traverse les Alpesla Norique, la Rhétie, l’Austrasie, où il est accueilli royalement par Sigebert et sa femme, la reine Brunehilde à laquelle il voue une profonde admiration. C’est aux fêtes du mariage de Sigebert et Brunehilde à Metz que Fortunat réjouit les oreilles des convives par un poème lyrique en vers latins où il fait de Brunehilde une nouvelle Vénus et de Sigebert un nouvel Achille.
(3) Le terme de « scolastique », dérivé du terme schola, provient du grec scholê au sens d’oisiveté, de temps libre, d’inactivité, qui -plus tardivement- signifie : « tenir école, faire des cours ». C’est qu’en effet, au Moyen Âge, seuls les religieux avaient la « scholê », c'est-à-dire le loisir d’étudier, laissant aux autres (le clergé séculier, les frères convers, les laïcs…) le soin - réputé subalterne - de s’occuper des affaires matérielles.
(4) Bonet ou Bonnet, auvergnat de naissance naquit vers 623 dans une famille d’anciens sénateurs romains. Il fit des études remarquables pour l’époque : grammaire, droit et sans doute rhétorique. Il se préparait ainsi à une carrière à la cour du roi. Il servit comme échanson de Sigisbert III et de Thierry III. Il devint préfet de Marseille (vers 677). Il géra cette ville avec beaucoup de douceur, s’opposant au commerce des esclaves. Il pratiquait un ascétisme sévère.
Son frère Saint Avit était alors évêque de Clermont. Se sentant près de sa fin, il demanda son frère comme successeur et obtint l’accord du roi pour cette nomination épiscopale. Avit mourut rapidement et Bonet devint évêque de Clermont vers la fin de 690. Il continua de vivre pauvrement en jeûnant plusieurs jours par semaine. Sa nomination par son frère lui causa des scrupules : il démissionne et se retire à l’abbaye de Manglieu dans le Puy-de-Dôme. Il entreprend le pèlerinage de Rome, au passage il passe par Lyon où il apaise un conflit entre l’évêque et le duc des Burgondes. Il poursuit son chemin jusqu’à Rome et la légende rapporte qu’en chemin il racheta de nombreux captifs pour les libérer. A son retour il s’installe à Lyon. Il y meurt vers 706.
Son corps fut transféré à Clermont, d’abord à l’église Saint-Maurice vers 712 puis à la cathédrale au XIII° siècle.
Il est fêté le 15 janvier.
Nous connaissons son histoire par un récit composé par un moine de Manglieu vers 715.
Dans le diocèse du Puy, il est patron des églises de Lubilhac et de Saint-Bonnet-le-Froid.
(5)Jean-François Régis (31 janvier 1597, Fontcouverte, Aude - 31 décembre 1640, Lalouvesc, Ardèche) est un jésuite français, missionnaire des campagnes, surnommé « l'Apôtre du Velay et du Vivarais ».
Canonisé en 1737, il est fêté le 16 juin. Le parcours terrestre de cet inlassable « marcheur de Dieu » va se terminer en Vivarais, fin décembre 1640. Malgré une violente tempête de neige, il se met en route pour Lalouvesc, aujourd'hui département de l'Ardèche. Comme à son habitude, il se donne sans compter à toutes ces familles des hameaux de l’Ardèche profonde, il passe des heures dans l'église glaciale de décembre pour écouter, réconcilier, donner les sacrements, et contracte une pneumonie. Alité, il ne va plus se relever : il meurt le 31 décembre, alors que le village est entièrement isolé par les neiges. Plus tard, lorsque de la ville les pères vinrent chercher le corps du Père Régis, les villageois refusent de le rendre. Ainsi ce village se transforme presque aussitôt en un lieu de pèlerinage et l'est encore de nos jours.
(6)Saint François Xavier (en espagnol Francisco Javier, en basque Frantzisko Xabierkoa), nom de naissance Francisco de Jasso y Azpilicueta, né le 7 avril 1506 à Javier, près de Pampelune en Navarre et décédé le 3 décembre 1552 sur l'île de Sancian, au large de Canton en Chine, est un missionnaire jésuite basque navarrais1. Proche ami d'Ignace de Loyola, il est un des cofondateurs de la Compagnie de Jésus.
Ses succès missionnaires en Inde et en Extrême-Orient lui acquirent le titre d'« Apôtre des Indes ». Béatifié en 1619, il est canonisé trois ans plus tard par Grégoire XVLiturgiquement, il est commémoré le 3 décembre aussi bien par les catholiques que par les anglicans.
[À Malacca, François Xavier avait rencontré des Japonais, ce qui lui donne l'idée d'évangéliser également le Japon. Le 15 août 1549, il débarque avec un groupe de missionnaires à Kagoshima. Ses lettres du Japon sont enthousiastes quant aux perspectives missionnaires qu'offre le pays. Il y est bien reçu par les autorités mais a des difficultés avec les moines bouddhistes. Il y baptise un millier de personnes, surtout dans la région de Yamaguchi.]

vendredi 14 septembre 2012

Chroniques de Saint Espreaux

L’œuf ou la poule
        
(mé-conte philosophique)
 
Aujourd’hui, jeudi, jour de marché, j’ai rencontré la cousine Ginette, que j’ai accompagnée, chez Nicole, épicerie bio, salon de thé, etc, au rendez-vous d’après marché traditionnel, de ces dames.
M’y étant fait admettre, en tant qu’homme (ils préfèrent le bistrot d’en face , Française  des jeux, pastis etc.), j’ai donc commencé à assister aux conversations féminines très enjouées.
Gérard, qui a traversé, est passé annoncer à Linette, sa femme, que Brodier, pas Navas celui du camion, Brodier donc, avait aujourd’hui des mursons, (1), que Georges y avait goûté et qu’il fallait en acheter. Non seulement elle l’y autorisa, mais lui demanda de le faire, ce qui le mit en grand désarroi : comment allait-il faire pour le transporter ? il n’avait pas de sac !
A ce moment, je déplaçais, le mien, de sac, (figues à confiture des vergers de Beaumes, crémeux d’Anaïs, oignons rouges) pour permettre au couple « retour à Pont » de se glisser, à ma droite, dans les conversations, (dont le son s’amplifiait par la configuration de la pièce, magnifiquement carrelée où nous nous trouvions), et les échanges zigzaguaient gentiment entre, nouvelles des derniers petits enfants, météo locale, souvenir des derniers concerts de chorales, et le, décidément, «  bon vivre » à Pont d’Espreaux.
Mes voisins, un pasteur et sa femme, avaient émigré en Haute Loire et ailleurs, mais Pont d’Espreaux… !!! (ce sont eux qui mirent les point d’admiration, comme l’avait fait il y a quelques années un jeune étudiant pontespreint en renonçant définitivement à une thèse en terre Bruxelloise).
Puis comme souvent dans les conversations, un lieu commun, un proverbe, un aphorisme, voire une question existentielle, s’invita. Et ce fut, pour le coup : « Qui, de l’œuf ou de la poule a bien pu venir le premier ? ».

Confrontant pour la première fois la question à mes informations, récentes lectures, intelligence (?), je glissai à mon voisin qu’apparemment, d’après les dernières données de la science, il s’avérait que ce devrait être l’œuf ! (je refaisais, dans ma tête et à toute vitesse une confuse démonstration à la Darwin, mêlant nécessité, hasard, accidents, atomes, bactéries, mutations, mur de Planck, Galapagos,  etc, pour bien m’en assurer). 
A côté de lui, son épouse m’ayant entendu, elle me répondit comme l’aurait fait,  je le suppose, en chaire, son mari,  : « Si l’on est évolutionniste, on dit effectivement que c’est l’œuf ; les créationnistes, eux, vous diront que c’est la poule. »

C’est à ce moment qu’entra  Gérard, et qu’il nous déballa son problème de transport de murson (1) et il n’eut certainement pas conscience de faire avorter ce qui constituait déjà les prémisses d’un débat scientifico-théologique, au pays de Pont d’Espreaux...


(1)    murson : appellation d’une saucisse de couenne, produite dans la région de Pont d’Espreaux