Ses courses recouvrent presque toute la longueur du tapis roulant, là, juste devant moi. Il s'est saisi d'un sac, "star war", en matière recyclée, qu'il devra payer.(autrefois ils étaient gratuits et dans ce magasin les caissières vous les remplissaient !).
Au fur et à mesure des "bip" qui ponctuent l'enregistrement, il remplit le sac, qui manifestement ne pourra pas tout contenir.
Il a sorti de sa poche un imprimé sur papier bleu, qu'il a montré à la caissière et qu'elle a parcouru.
Ils ont échangé quelques mots et elle a ralenti l'enregistrement.
J'ai assimilé immédiatement le visage de cet homme à celui d'un migrant ; il est barbouillé d'une tristesse qui s'est momentanément éclairée d'un timide sourire d'excuse inquiète (que ça n'avance pas bien vite et doive encore ralentir un peu).
Je crois comprendre que la feuille bleue doit faire foi d'une somme qu'il n'aura pas à débourser, et que l'on s'est déjà approché du montant à ne pas dépasser.
La caissière va donc pendant quelques minutes supplémentaires tenter de s'approcher au plus près de la somme autorisée, en bipant puis annulant (ça dépasse !) ou en remplaçant la pizza qui restera sur le tapis, par une savonnette, moins chère, etc.
Et une fois ou deux il a plongé sa main dans ses poches et a réussi à en extraire quelques centimes, et même deux ou trois pièces jaunes, qui lui ont permis de franchir la "ligne blanche" !
A-t-il déposé ses achats par ordre de nécessité ? deux pains restent sur le tapis . Je lui propose alors de l'aider à compléter.
Je ne pense pas qu'il m'ait compris : il a saisi les poignées de son sac et il est parti !
A quelques mètres il s'est retourné et il a adressé à la file qui attendait derrière lui, un triste sourire et un geste de la main, énigmatique, puis la foule des "nantis" conducteurs de caddies, l'a avalé.
J'ai baissé la tête ; la caissière avait déjà commencé ... à m'attribuer les produits abandonnés.
Je me dis que c'est à elle que j'aurais dû parler, pour qu'il puisse au moins emmener le pain.
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