"Rien ici, en face de ce qui est littéralement la condition de l'existence, n'est plus parlant que ce qui se présente lorsque deux individuations formées se rencontrent et lorsque au lieu de s'éviter en se fuyant, elles s'accordent un moment de suspens au sein duquel elles se regardent.
Je fais allusion ici bien sûr à l'expérience singulière du regard échangé.
Expérience dont j'ai souvent parlé, parce qu'elle est je crois, à l'origine même de mon sentiment et de mon tourment par rapport à la question animale et dont le premier effet est de nous mettre sous les yeux,
à travers un regard qui n'est pas comme le nôtre, qui n'est pas "humain" et ne le sera jamais, l'existence d'un autre regard et à travers lui, l'existence de l'altérité comme telle.
Le partage qui a lieu alors, lorsqu'il arrive que nous prenions le temps de le laisser agir, comme certains peintres nous ont indiqué qu'il était possible de le faire -- et je pense cette fois à l'insistance si précisément rendue de l'âne qui nous regarde depuis l'arrière, au niveau du satin blanc du "Gilles" de Watteau (1)-
- ce partage est toujours celui de l'altérité comme telle, celui d'un "de part et d'autre" qui parce qu'il est justement sans rémission, ouvre l'accès, non à l'autre et à son secret, mais à sa pleine reconnaissance."
Jean Christophe Bailly : "le parti pris des animaux". Christian Bourgois 2013
(1) (http://www.cosmovisions.com/images/WatteauGilles.jpg)
le choix des photos, leur agencement, entre animal et végétal, tous ces yeux vivants quel que soit leur "nature", est saisissant, superbe
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